samedi 23 juin 2007

Parler dans le désert! Voilà la vraie question !


L'article de Mathilde Labardonnie paru dans Libération du 23 juin 2007 rétablit quelque peu les faits concernant "l'Affaire Koltès".

Tous les amis de Koltès espèrent qu'enfin la vérité sera faite sur la grande question posée par sa pièce Le retour au désert. Patrice Chéreau y avait répondu en engageant deux comédiens algériens. Jacques Nichet également. Quant à Thierry de Péretti, c'est bien parce que les deux comédiens marocains prévus à la distribution lui avaient fait faux bond, qu'en définitive, le rôle d'Aziz fut interprété par un comédien corse.

Revenons sur l'article de Mathilde Labardonnie.

"Les juges passent outre le désir de l'auteur (...)" écrit-elle. Le désir de l'auteur, cela a été dit, si ses volontés n'étaient pas respectées, il préférait carrément qu'on ne joue pas la pièce. Il semble que le sens des expériences de Hambourg n'ait pas été compris. Si l'auteur ne souhaitait pas que des comédiens allemands ridiculisent sa pièce en portant des turbans c'est parce que, faute de comédiens algériens en Allemagne, les minorités présentes chez notre voisin auraient du investir le plateau : Turcs ou Pakistanais...

L'article parle de "l'incassable" Comédie-Française, mais à force de se raidir, de s'ossifier, il n'est rien qui ne se brise un jour. Mathilde Labardonnie pose alors deux bonnes questions :

"Pourquoi Muriel Mayette a-t-elle passé outre la volonté du poète?" C'est vrai que cette question, il est légitime de se la poser. Cet aspect essentiel n'a pas été compris par la metteur en scène. En décembre 2006, elle avait encore largement la possiblité de suivre les recommandations de François Koltès, qui reste d'ailleurs, quoi qu'on en pense, l'un des plus grands connaisseurs de l'oeuvre de son frère. Deuxième question : "Pourquoi a-t-elle laissé entendre que François Koltès avait été associé à la mise en scène [conseiller dramaturgique, ou conseiller littéraire"] alors qu'il n'a assisté, en tout et pourtout, qu'à une seule lecture partielle, à la table, de la pièce? Lecture au cours de laquelle les répliques en arabe n'ont pas été prononcées (le "coach" d'arabe n'étant pas encore entré en fonction!)?

En réalité, il faut se rappeler que le projet de faire entrer Le retour au désert au répertoire de la Comédie-Française fut initié par Marcel Bozonnet dès 2001 (voir notre chronologie), et qu'il fut un temps envisagé de confier (c'était avant le détournement du Roberto Zucco) à Didier Bezace ou Philippe Calvario d'une part; à Arthur Nauzyciel ou Eric Vigner d'autre part.

Pourquoi , sachant que dans la contractualisation d'une mise en scène de l'oeuvre de Koltès les "clauses" Koltès" sont essentielles, c'est la lettre d'accord, largement incomplète, qui a primé sur le contrat? On ne se l'explique pas.

Autre question, et Mathilde Labardonnie la suggère :"Pourquoi il n'aurait pas été possible d'engager un pensionnaire arabe dans la maison de Molière?" Y aurait-il un tabou ? Voilà la vraie question. Pourqui était-ce si difficile, voire impossible au Français? Puisque l'auteur le souhaitait ardemment, puisque l'ayant droit le demandait, le réclamait à corps et à cri?

Question de parler dans le désert?

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